Blog
Réglementation
Loi AGEC anti gaspillage 2023 : quelles implications pour le réemploi dans le BTP ?

Loi AGEC anti gaspillage 2023 : quelles implications pour le réemploi dans le BTP ?

Suppression de l’impression automatique des tickets de caisse ? C’est la loi AGEC. Utilisation de vaisselle réutilisable dans la restauration rapide ? Encore la loi AGEC. Réduction des emballages plastiques à usage unique ? Toujours la loi AGEC.

Comme l’adoption de réflexes anti-gaspi n’est pas sans bousculer les habitudes, il était primordial de régulariser et de poser un cadre législatif qui permette aux différents secteurs d’organiser la diminution des déchets et de limiter le gaspillage. C’est justement tout l’objet de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, plus connue sous le nom de loi AGEC. Elle s'inscrit dans la continuité des engagements européens en matière d'environnement, formalisés par le Green Deal de 2019 et dont la France est le premier pays à avoir transposé cette directive européenne en une loi nationale ambitieuse, marquant ainsi une avancée significative vers une économie plus circulaire et responsable.

Quelles sont les ambitions de la loi AGEC ? Qu’implique-t-elle pour le réemploi ? Et pour la filière du BTP ? Trois ans après son adoption, comment a-t-elle fait évoluer le secteur ? Réponses ici.

Les objectifs ambitieux de la loi AGEC

Portée par Brune Poirson et adoptée en février 2020 en France, son objectif n’est pas des moindres : « inventer un nouveau modèle de production et de consommation pour préserver la biodiversité et protéger l’environnement » (Déclaration de Brune Poirson à l'Assemblée nationale le 9 décembre 2019)

Il s’agit donc de transformer en profondeur nos modes de consommation pour passer d’une économie linéaire où l’on jette chaque produit à peine consommé à une économie circulaire qui produit le moins de déchets possible et préserve les ressources naturelles.

Éco-conception, production raisonnée, réduction des déchets par le réemploi et le recyclage… La loi anti-gaspillage a pour but de faire adopter plus largement ces pratiques en définissant un cadre réglementaire et d’ainsi accompagner les entreprises dans la transition énergétique et écologique.

Pour cela, la loi AGEC se divise en 5 points majeurs :

  • l’abandon de l’utilisation du plastique jetable ;

  • une meilleure information des consommateurs ;

  • la lutte contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire ;

  • l’action contre l’obsolescence programmée

  • une production plus responsable

Pour le réemploi, que prévoit la loi AGEC ?

Concernant le réemploi, la loi AGEC prévoit par exemple :

  • L’interdiction de l’élimination des invendus non-alimentaires, qui étaient auparavant la plupart du temps simplement détruits, entraînant un gaspillage estimé à l’équivalent 630 millions d'euros de produits. En interdisant la destruction des invendus (hors alimentation), la loi AGEC vise à encourager le don aux associations et à promouvoir l'économie sociale et solidaire. À défaut, c’est le recyclage qui est favorisé. Cette mesure incite ainsi les industriels à mieux gérer leurs stocks et à éviter la surproduction. Entrée en vigueur le 1er janvier 2022 pour les produits sous le régime REP (responsabilité élargie du producteur), elle s'appliquera au plus tard le 31 décembre 2023 pour les autres produits.

  • La création de fonds pour le réemploi et la réutilisation. Le but de cette initiative est d’aider à financer les initiatives de recycleries, de ressourceries, ainsi que certaines entreprises œuvrant dans ce domaine. Les filières concernées, dont celle du BTP, sont tenues de contribuer à hauteur de 5 % de leur écocontribution à ces fonds. Cette disposition touche directement le BTP, qui produit des articles facilement réutilisables tels que des équipements de bricolage, de jardinage ou des meubles.

  • La réparation et utilisation de pièces détachées issues de l’économie circulaire. Depuis le 1er janvier 2021, les consommateurs sont informés de la disponibilité de ces pièces au moment de l'achat de produits électroniques et d'ameublement. Les réparateurs sont également tenus de proposer des pièces détachées issues de l'économie circulaire.

Quelles sont les implications de la loi AGEC pour le BTP ?

Le texte mentionne en particulier les déchets du bâtiment pour lesquels trois axes d’amélioration ont été établis : l’organisation d’une collecte gratuite des déchets, la mise en place d’une éco-cotisation pour financer la valorisation des déchets de chantier et l’installation de déchetteries professionnelles sur l’ensemble du territoire national.

Dans le cadre de la loi AGEC, au delà de ces mesures, les filières dites pollueurs-payeurs ont également été repensées, ce qui concerne directement la filière du BTP.

Élargissement du principe “pollueur-payeur”

S’il existait déjà le principe de "pollueur-payeur" qui établit les filières à Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), tenues de jouer un rôle actif dans la réduction de leur impact sur l'environnement, la loi AGEC l’élargit de manière significative. En effet, elle y intègre six nouveaux secteurs, dont celle des produits de construction du bâtiment.

Pour rappel, chaque filière doit élaborer tous les cinq ans un plan d'action spécifique, comprenant des objectifs chiffrés précis, . en matière de réemploi, de réparation, de réutilisation et surtout d’éco-conception des produits., et le transmettre à l'éco-organisme lié.

Cette extension du principe "pollueur-payeur" vise donc à couvrir un spectre plus large de produits et à renforcer la responsabilité des producteurs dans la gestion de leurs déchets.

La loi AGEC : quelles évolutions pour le BTP ?

La lutte contre le gaspillage connaît une progression à deux étages en fonction des secteurs.

Dans l’alimentaire par exemple, de nombreuses études font état de la situation et ont permis de nourrir la réflexion autour de la loi AGEC. La connaissance accrue des enjeux du secteur et la consultation d’entreprises pionnières comme Phenix ont permis l’élaboration de dispositifs détaillés, comme le label anti-gaspillage alimentaire déployé le 1er mars 2023, qui vise à identifier les acteurs de la chaîne alimentaire qui luttent contre le gaspillage dans la filière et permettre une plus grande transparence. Alors, à quand un label réemploi pour le BTP ?

Dans d’autres filières, les directives attestent à l’inverse d’une mauvaise connaissance du métier. Fixé à 20%, le pourcentage de taux de réemploi dans les clauses vertes de certains appels d’offre s’avère par exemple irréaliste. Il serait préférable de privilégier une approche progressive par paliers en fixant des objectifs glissants sur plusieurs années.

Ce n’est qu’en impliquant les acteurs de la filière BTP dans la discussion et les réflexions que le dispositif législatif pourra se montrer pertinent.

Les enjeux économiques sont aussi à prendre en considération : les injonctions à supprimer les emballages en plastique jetable sans imaginer de modèle économique alternatif sont difficilement applicables pour les distributeurs, qui risqueraient de voir leurs marges détruites. On peut donc déplorer l’absence de moyens clairs pour atteindre les objectifs assignés…

À terme, le risque est de créer un écosystème oligopolistique. Dans ce scénario, les gros acteurs du secteur auront les ressources pour s’épanouir tandis que les entreprises de petite taille étoufferont sous le poids des obligations législatives. Sans les ressources financières, humaines et techniques pour appliquer les directives, ces dernières se verraient reléguées au rang d’entreprises sous-traitantes. Pourtant, 98% des entreprises du BTP emploient moins de 20 employés. Leur place dans la filière est donc cruciale et la prise en considération de leurs enjeux fondamentale.

Par exemple, le Building Information Modeling (BIM), est une avancée technologique qui apporterait beaucoup dans la lutte contre le gaspillage. Nécessitant une interconnexion constante entre les différentes parties prenantes d’un chantier, sa mise en oeuvre peut être complexe et coûteuse.

S’il est nécessaire que les directives et les règles coercitives soient fixées au niveau législatif, il faut laisser à la filière la liberté d’organiser la mise en pratique dans un domaine dont elle seule connaît les enjeux. Le rôle des startups est donc primordial. En apportant des solutions à travers des innovations d’usage ou de technologies, elles servent d’intermédiaires entre les différents acteurs du secteur. Indépendantes, elles sont la garantie d’une certaine impartialité et le garde-fou contre l’appropriation du sujet par un acteur poids lourd du secteur.

Parmi les startups aujourd’hui actives dans le domaine, StockPro a été créée pour lutter contre un constat alarmant : nombre des déchets dans le BTP sont constitués de produits neufs. C’est environ 20 millions de tonnes de produits, soit l’équivalent de 5 milliards d’euros qui sont jetés chaque année sans avoir servi une seule fois9. Surplus de chantier, ou fins de série, ils sont mis de côté et stockés pour finalement partir à la benne faute d’être utilisés. Un fait d’autant plus marquant que 49% des déchets du BTP proviennent de la démolition et 13% de la construction neuve10. Ce ne sont pourtant pas les besoins qui manquent dans un secteur touché de plein fouet par la pénurie de matériaux et la raréfaction des matières premières…

Pour en savoir plus...

Véritable laboratoire du réemploi de matériaux neufs dans la construction en France, StockPro a mis en exergue de nombreuses tendances du secteur. Pour consulter nos chiffres et partager nos réflexions, téléchargez gratuitement notre livre blanc !