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Anti-gaspi & greenwashing : le réemploi de produits neufs

Anti-gaspi & greenwashing : le réemploi de produits neufs

“Un produit qui n’a jamais été “employé” ne peut pas être RÉemployé”

Qui nous dit que les produits neufs issus du réemploi étaient destinés à la benne ?”

“Parler de réemploi pour des matériaux neufs, c’est du greenwashing”…

Ces interrogations récurrentes questionnent la légitimité des produits neufs à rentrer dans le cadre du réemploi. Pour y répondre, nous avons réfléchi, analysé et regroupé tous nos questionnement dans cet article.

Alors, neuf et réemploi, est-ce vraiment compatible ? Est-ce qu’un produit qui n’a jamais été consommé peut être éligible au réemploi ? On éclaircit tout ça.

Le fléau du gaspillage

Ça n’est pas un scoop : le gaspillage est le mal de notre siècle.

Pour faire face à l’urgence environnementale, de nombreuses initiatives anti-gaspi ont vu le jour : Too Good To go ou Phenix dans le secteur alimentaire, Underdog pour l’électroménager, Vinted dans le domaine de la mode, BackMarket pour la tech… Et bien d’autres encore. Si ces entreprises se rejoignent autour de la lutte contre le gaspillage, toutes ne sont pas positionnées au même niveau du cycle de vie du produit.

Lutte anti-gaspi : comment éviter les déchets ?

Fins de séries, invendus, produits reconditionnés ou recyclés… Il existe différents types déchets qui se positionnent à différents niveaux du cycle de vie du produit.

Réemploi, réutilisation et recyclage : définitions

Selon le Code de l’Environnement (article L541-1-1), on peut parler de réemploi dès lors qu’un bien matériel n’est pas identifié comme déchet et se voit utilisé pour « un usage identique à celui pour lequel [il] avait été conçu. » Le réemploi est donc l’action de rattraper le produit avant même qu’il ne prenne le chemin de la benne.

La réutilisation permet quant à elle l’usage de produits devenus déchets, en passant par une étape de contrôle et de nettoyage des déchets appelée « préparation en vue de la réutilisation ».

Enfin, lors du recyclage, la substance du matériel est transformée pour constituer une nouvelle matière.

Ce qui distingue donc finalement le réemploi de la réutilisation est « le passage ou non du bien en fin de vie par le statut de déchet » (ADEME), tandis que le recyclage intègre la notion de transformation du bien.

Du produit neuf au déchet : les étapes du cycle de vie

En d’autres termes, le recyclage et la réutilisation concernent uniquement les déchet. Au contraire, le réemploi s’applique aux matériaux qui n’ont pas atteint ce stade.

Quelle est la meilleure économie circulaire ?

Pour diminuer l’impact environnemental, il est préférable d’intervenir le plus tôt possible dans le cycle de vie du produit pour minimiser les transformations qui lui sont apportées, coûteuses en matières premières et en carbone nécessaire au transport. Il faut donc privilégier le réemploi, puis la réutilisation et enfin le recyclage.

En intervenant avant le passage du matériau au statut de déchet, le réemploi se place comme la solution anti-gaspi à préférer pour la planète : le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas…

Réemploi de matériaux neufs : du greenwashing ?

Si les biens réemployés ne sont pas des déchets, en quoi le réemploi est-il anti-gaspi ?

Le réemploi est-il vraiment anti-gaspi ?

Nous l’avons dit, le réemploi ne concerne pas les déchets. Mais il s’applique tout de même aux produits destinés à la benne ! Il permet donc bien d’éviter la production d’un déchet en offrant au produit une seconde première vie.

Combien de fois a-t-on retrouvé au fond d’un placard un vêtement neuf, portant encore son étiquette, que l’on n’a jamais porté et que l’on ne portera jamais ? Alors, direction la poubelle… ou direction Vinted. Finalement, quelle différence avec les surplus de stocks neuf qui dorment dans les entrepôts des entreprises du BTP ?

Un autre exemple pertinent est celui des invendus alimentaires, ces produits qui n'ont jamais été consommés mais seront jetés une fois périmés. C'est finalement l'équivalent des produits de bricolage qui ont une date limite d'utilisation (DLU) !

Dans ces trois cas, les produits sont destinés à la benne. Dans ces trois cas, ils sont vendus à prix réduits pour éviter le gaspillage et la production de déchets. Et surtout, dans ces trois cas, les produits sont neufs. Alors, pourquoi devrait-on faire une distinction ?

L’économie circulaire, c’est aussi pour le neuf

La sensibilisation au réemploi de produits neufs est un enjeu clé. En effet, l’économie circulaire est souvent immédiatement associée à des produits de seconde main, déjà utilisés une première fois. Dès lors qu’il s’agit de produits neufs, on constate qu’une confusion peut vite apparaître avec la notion de déstockage…

Finalement, ce qui rend un produit neuf éligible au réemploi, c’est l’intention de le jeter. Comme ce critère n’est pas tangible, c’est la porte ouverte aux abus...

Alors, comment certifier qu’un produit était destiné à la benne ?

Vers des garanties anti-greenwashing pour le réemploi

Pour valoriser l’acte d’achat éco-responsable et sensibiliser au réemploi de produits neufs, il est essentiel de faire évoluer la réglementation afin qu’elle lie le réemploi à un engagement environnemental.

Label réemploi

Pour garantir l’adhésion autour de la notion complexe de réemploi, la mise en place d’un label est une solution incontournable. Il permettra d’attester que le produit était initialement voué à la déchetterie et rentre donc bien dans la catégorie réemploi… même s’il est neuf.

Le label certifiera ainsi l’engagement dans une démarche environnementale. Dans ce cadre, l’approche collaborative s’établit comme une nécessité pour continuer d’avancer dans la bonne direction : ce n’est qu’en fédérant les acteurs de la filière que l’économie circulaire, et plus particulièrement le réemploi pourront véritablement s’inscrire dans les habitudes.

Quelles lois pour le réemploi ?

Au delà de la réflexion collective autour d’un label réemploi, une évolution de la définition législative actuelle du terme paraît essentielle. Les lois françaises et européennes ont pour rôle de fixer un cadre favorable au développement de pratiques plus durables : pour encourager le réemploi, il est crucial de mieux prendre en compte, au niveau réglementaire, ses et problématiques spécifiques ainsi que les différentes manières dont il peut être pratiqué. Il paraît notamment nécessaire d'expliciter la possibilité d’appliquer cette notion à des produits neufs.

Élargir la définition législative pour inclure ces pratiques encouragerait une plus grande adoption du réemploi...

Le mot de la fin : STOP au réemploi !

Nous l’avons dit plus haut, l’idéal pour la planète est de prévenir le déchet le plus tôt possible dans le cycle de vie du produit. Le réemploi est donc bon élève, parce qu’il évite au bien de devenir déchet…

Mais si on évitait plutôt de produire ce dont on n’a pas besoin ?

Repenser les modes de production

Si toutes les productions du BTP étaient utilisées, on diminuerait les déchets de 7%. Cela montre que la solution n'est pas de se focaliser uniquement sur le réemploi, mais de repenser notre approche de la consommation...

Finalement, le sujet ne devrait pas être la définition du réemploi. On ne devrait pas avoir à réemployer. C’est en repensant notre modèle de production que nous pourrions réduire le plus efficacement notre leur impact sur l'environnement. Réduire le nombre de gammes et de références, ainsi que de les quantités produites : opter pour une sobriété pour préserver les ressources.

Le rôle du consom’acteur

Tous les maillons de la chaîne sont concernés. Du côté de la consommation aussi, il s’agit de se poser les bonnes questions. “Est-ce que j’en ai vraiment besoin ? Est-ce que possède un produit qui pourrait se substituer à celui que je suis sur le point d’acheter ? Est-ce que je peux emprunter, louer ?”

Avant de consommer mieux, il faut consommer moins…

La “société liquide” dans laquelle nous évoluons, comme l’appelle Zygmunt Bauman, permet à l’individu de gérer ses propres modes de consommation en toute liberté. Mais elle fait aussi peser sur nos épaules une grande responsabilité : celle de devenir des consomm'acteurs engagés en repensant notre approche de la consommation et de la production, pour réduire notre impact environnemental.

Finalement, le réemploi n’est qu’une solution par défaut. Un recours dont nous n’aurions pas besoins si nous ne produisons que le nécessaire. Tout simplement.

Sources

ADEME, 2021, Le réemploi et la réutilisation

BAUMAN Zygmunt, S’acheter une vie, Paris : Editions Jacqueline Chambon, 2008, pp. 46-47.

Organisation for Economic Cooperation and Development (OECD), Circular economy - waste and materials